Mesurer " le temps "

Les instruments

 

Choisir un phénomène pour lequel il est possible de définir un début et une fin, donc une durée : deux passages consécutifs du Soleil au zénith, l’écoulement d’un liquide , l’aller et le retour d’un pendule, la vibration d’un quartz ; compter chaque retour de ce phénomène et comparer pour inventer un étalon : c’est mesurer le temps.

Dans toute l’histoire l’homme a découpé le temps en fonction de ses besoins et seule mère Nature a proposé à l’homme une pluralité de phénomènes possédant leur propre temps bien défini, restait à en comprendre les mécanismes et se les approprier.

 

Les calendriers :

Trois périodes essentielles liées au mouvement des astres : l’année, le mois solaire, dont l’origine réside certainement dans le mois lunaire de 29 ou 30 jours, et le jour solaire, sont à l’origine du découpage du temps. Le premier calendrier fut donc la nature. Le plus ancien est babylonien et remonte à environ 5000 ans. La vie alors est rythmée par les saisons et les phénomènes cycliques de la nature. Le calendrier sert à observer les rites, les grandes fêtes religieuses, les dates importantes. Jusqu’à l’apparition des premières démocraties en Grèce, sa détermination revenait aux pouvoirs religieux mais aussi politiques

Le cromlech de Stonehenge (Angleterre, 1500 av. J.C.) : calendrier astral, les dates sont repérées par l’alignement de certaines pierres

 

Torréon Mexique

Les premières horloges : les horloges à ombre :

Les égyptiens inventèrent les horloges à ombre il y a 4000 ans environ. Elles avaient la forme d’un T et indiquaient l’heure grâce à l’ombre de la barre transversale sur une échelle graduée.

Les cadrans solaires :

Parmi les instruments de mesure du temps, le cadran solaire est probablement le plus ancien. Il a pour avantages d’être facile à réaliser, fiable dans les pays ensoleillés, non périssable, néanmoins il a quelques défauts : il est peu précis, peu transportable, ne fonctionne que le jour et avec du soleil et c’est une " horloge " locale. Cependant il perdura et subit nombre perfectionnements qui donnèrent naissance à divers modèles : horizontaux, verticaux, équatoriaux, polaires, cylindriques, sphériques, analemnatiques…

Le principe des cadrans solaires est simple : il s’agit de mesurer le déplacement de l’ombre d’un bâton appelé style. Il faut tenir compte des variations de hauteur du soleil selon les saisons, il est donc nécessaire de connaître quelques notions d’astronomie pour construire ou lire un cadran solaire. Nous vous conseillons donc de faire un retour sur le document Terre/Lune/Soleil. Quel que soit le cadran, le style est toujours orienté parallèlement à l’axe terrestre, la table de lecture pouvant avoir une forme très variable.

 

Les clepsydres :

L’homme souhaite mesurer l’écoulement du temps et contrôler sa mesure, ainsi naît la clepsydre , les plus anciennes sont égyptiennes et datent d’environ 1500 ans av. J.C. Il pense le temps comme continu et uniforme et cherche donc une grandeur mesurable continue et uniforme, l’écoulement de l’eau est un phénomène physique qui répond globalement à ces deux critères. La grande variété des clepsydres laisse supposer qu’il fut difficile de déterminer un modèle plus performant qu’un autre. Nos connaissances en hydrodynamique et physique des liquides soulignent le manque de fiabilité des clepsydres. Bien qu’elles aient subi de notables perfectionnements techniques, avec une représentation du temps affinée, elles restent tributaires de paramètres plus ou moins contrôlables : les orifices d’écoulement se bouchent, la régularité du niveau peut fluctuer, le débit aussi ; dès qu’un facteur varie la mesure du temps aussi. Elles ne gardaient donc pas le temps de façon fiable, il fallait tous les jours refaire un réglage grâce au cadran solaire.

Les horloges à encens :

Des horloges à encens ont été utilisées en Chine du VIème siècle av. J.C. jusqu’au XVIIème siècle. L’encens a la particularité de brûler à une vitesse constante il peut donc aider à mesurer le temps.

Les horloges bougies :

Il y a 1000 ans on utilisait des bougies pour donner l’heure, celles ci étaient graduées sur le côté en heures d’égales longueur, au fur et à mesure que la bougie brûlait on pouvait lire l’heure.

Les sabliers :

Dans le principe de la clepsydre, ce n’était pas l’écoulement contrôlé qui était en cause mais l’énergie utilisée, on remplaça l’eau par le sable. Du XIVème au XVIIIème siècle ce fut l’instrument de mesure du temps le plus répandu. A chaque sablier correspond la durée d’une action pour laquelle il a été conçu, il est lié à l’usage qu’on en fait. Très utilisé dans la marine, il réglait les quarts à bord des bateaux ; souffrant peu des changements de température et du roulis il fut, jusqu’à l’apparition des chronomètres de marine, le seul instrument de mesure du temps en mer et au XVIIème siècle on l’utilisa pour calculer la vitesse en mer. Son utilisation déclina avec l’amélioration des horloges mécaniques et des montres.

L’horloge à poids et à foliot :

Elle fut inventée – par un anonyme- au XIIIème siècle. La source d’énergie est un poids accroché à une corde enroulée autour d’un treuil, la régularité du mouvement est assurée par les oscillations du foliot . Elle transforme le mouvement uniformément accéléré du poids qui tombe en une suite régulière d’arrêts et d’accélérations. Le temps ainsi déterminé est uniforme mais il n’est plus représenté par un phénomène uniforme. L’homme a contemplé le mouvement des astres, a plus ou moins domestiqué l’écoulement de l’eau ou du sable, mais l’horloge il l’a inventée, il fabrique le temps. Il a la sensation d’être devenu le maître du temps, aussi apparurent les prodigieuses horloges astronomiques dont l’illustre et remarquable Astrarium de Giovanni de Dondi, l’homme maîtrisait le temps sur terre, pourquoi pas celui de l’univers. Bien qu’imparfaite, l’horloge à foliot atteignit toutes les villes d’Europe en 50 ans. On devait la remettre à l’heure tous les midis avec un cadran solaire, son mécanisme grossier était fragile et s’usait vite.

La mesure du temps change, jusque là on comptait pour chaque jour, hiver comme été, un même nombre d’heures du lever au coucher du soleil, or l’horloge à foliot ne peut mesurer que des heures égales. Cela accentue le décalage entre le temps des villes et le temps des campagnes où l’on continue à suivre le soleil. Avec la croissance des villes la demande ne cesse de s’étendre, l’horlogerie s’organise et devient un métier reconnut au XVIème siècle.

L’horloge à pendule et à balancier :

L’horloge à foliot ne pouvait marcher de façon régulière que si la force motrice était constante et il était impossible de les transporter. La demande d’horloges plus maniables suscita l’invention d’horloges plus compactes et légères. En 1656 Christiaan Huygens propose le remplacement du foliot par le pendule, il bouleverse ainsi le principe de l’horloge en introduisant un régulateur qui a un temps propre (sa période dépend de sa longueur) et ne consomme presque pas d’énergie (il oscille quasi indéfiniment). L’horloge à pendule (" la pendule ") n’est pas plus transportable que les horloges à foliot du Moyen-Age à cause du grand balancier. Huygens imagine alors un autre régulateur, le ressort spiral : c’est un petit ressort en spirale qui fait osciller à une fréquence constante le balancier, il permettra l’invention et l’essor de la montre. Il améliorera encore ce système avec l’échappement à ancre, dispositif qui distribue l’énergie nécessaire à l’entretien des oscillations du balancier ; ainsi naîtra l’horlogerie moderne. L’horloge devient un meuble indispensable dans les intérieurs aisés, c’est un objet de luxe, mais petit à petit elle devient un objet utile pour le commerce et la vie quotidienne.

Le problème des longitudes : John Harrisson et Ferdinand Berthoud :

Au XVIIème siècle la marine a besoin d’une mesure exacte, l’obstacle à une navigation sûre est l’impossibilité de déterminer exactement la longitude. Pour pouvoir savoir sur quel méridien on se trouve, il fallait avoir à bord une horloge donnant en permanence et avec exactitude l’heure de Greenwich. A cette époque aucune horloge n’est assez fiable, dès lors il est impossible de faire le point correctement, on navigue à l’estime. Or la navigation en pleine mer est en essor avec la découverte des Amériques, le développement du commerce triangulaire et la volonté de conquérir des empires coloniaux. Les états prennent des dispositions pour tenter de régler ce problème, cela devient si urgent que le Parlement anglais en 1714 promulgue la loi " de la longitude " promettant une forte récompense à qui trouverait la solution. Astronomes et horlogers vont se livrer bataille. Les premiers utilisent des calculs compliqués avec la " méthode des distances lunaires " auxquels s’ajoutent les difficultés d’observations sur un bateau. Les seconds comprennent rapidement qu’ils doivent surmonter deux difficultés techniques : la marche des horloges en mer dépendait fortement de la température, la lubrification des pièces mobiles n’était pas satisfaisante. Ajouter à cela une concurrence féroce et une impitoyable jalousie et il faudra attendre le début du XVIIIème siècle pour entrevoir la solution avec l’invention des horloges marines de John Harrisson et Ferdinand Berthoud.

On découvrit le phénomène de dilatation thermique et on employa des compensateurs, certaines pièces furent remplacées par des pierres précieuses telles que saphir, rubis et même diamant insensibles à l’abrasion. Les états n’accordèrent leurs récompenses qu’après des essais sévères lors de " voyages d’épreuve ". Leur fiabilité reconnue les horloges marines furent fabriquées en grande quantité pour répondre à la demande des flottes, la totalité des mers du globe fut fixée sur des cartes en moins d’un siècle. Ainsi même en mer le temps abstrait des horloges remplace le temps stellaire observé, désormais tout navigateur sait où il se trouve au milieu des mers .

Le temps au XXème siècle :

La révolution du monde du travail change la perception du temps. A l’usine, le temps est la principale mesure du travail ; dans les ateliers les contremaîtres veillent, montre en main, au respect des horaires. L’américain Taylor, l’arrivée du travail à la chaîne amplifient ce changement. Parallèlement la montre est un objet qui se popularise.

Le 1er octobre 1885 à Washington, une conférence internationale accepte le principe d’une division de la planète en 24 fuseaux horaires avec le méridien de Greenwich comme référence ; l’organisation théorique du Temps Universel voit le jour. En France on crée le Bureau des Longitudes puis le Bureau International de l’Heure. L’adoption du T.U. et des fuseaux horaires ne se fit pas sans mal. Puis on s’aperçut que la durée du jour est loin d’être constante, petit à petit la définition de la seconde subira bien des changements.

Malgré la précision toujours croissante des horloges on voulait encore faire mieux. L’innovation qui allait tout transformer fut ce qu’on appela " la révolution du quartz ", mais la véritable révolution fut celle du silicium qui allait permettre la technologie des circuits intégrés les fameuses " puces "permettant la mise au point d’horloges ne comportant aucune partie mobile.

Malgré tout le quartz n’est pas parfait et le vieux problème des variations se pose aussi pour lui, pour assurer la stabilité d’un régulateur à quartz on s’est donné autant de mal qu’avec le pendule ou le ressort spiral. Les progrès de la physique permirent de construire de nouvelles horloges : les horloges atomiques, aujourd’hui les plus précises, avec le césium 133 choisi par la conférence des Poids et Mesures de 1967. Elles fonctionnent à partir des atomes de césium dont les vibrations servent d’étalon de temps. Il permet actuellement de garder la seconde avec une précision de 10-13, deux horloges à césium se décalent entre elles de 3 secondes en un million d’années !

Cependant, pour diverses raisons, la course à la précision continue et curieusement c’est de nouveau vers le ciel que l’on se tourne. Du confins de l’univers nous parvient l’étrange tic-tac des pulsars, certains d’entre eux captés par de grands radiotélescopes ont une fréquence plus stable que nos horloges atomiques, de là l’idée de confier la garde du temps à un certain

PSR 1937+21... retour du temps des astres ?